CHAPITRE XVII
La navette volée plongea dans là Gueule.
Secoués par des maelstroms de gaz incandescents, Kyp et Solo tentaient de maintenir le cap dans cette tourmente.
La Gueule était une des merveilles de la Galaxie. L’existence d’un amas de trous noirs paraissait scientifiquement impossible ; son origine faisait l’objet de nombre de controverses. Les scientifiques de l’Ancienne République glosaient sur les probabilités qu’un tel phénomène se produise parmi les milliards d’étoiles de l’Univers. D’autres spéculations, par exemple celles des contrebandiers les plus superstitieux, suggéraient que la Gueule n’était pas naturelle, qu’elle avait été fabriquée par une ancienne race très puissante pour servir de porte vers d’autres dimensions.
Dans la navette, il faisait sombre et chaud. Les méandres colorés de la Gueule projetaient des ombres psychédéliques dans la cabine de pilotage. Chewie avait coupé tous les systèmes pour augmenter la puissance des boucliers.
Dans le siège de pilotage, le Corellien suait à profusion. Il avait abandonné les commandes à Kyp. Durant la dernière semaine, il avait souvent songé à Leia : elle lui manquait énormément. Sa femme ignorait ce qui lui était arrivé ; probablement était-elle très inquiète… et trop fière pour le montrer. Yan détestait plus encore savoir ses enfants de retour sans qu’il ait pu les accueillir.
Jamais il ne les reverrait si la navette ne survivait pas au plongeon dans l’amas de trous noirs. Tout dépendait du mystérieux talent de Kyp.
Les yeux fermés, le jeune homme guidait le vaisseau au travers d’un goulot gravitationnel !…
Grâce à un sens mystérieux, Durron semblait voir ce qui restait invisible à l’œil nu.
Considérant les trous noirs qui les entouraient, Yan aurait voulu pouvoir fermer les yeux comme lui.
Immobile, Chewbacca évitait de distraire le jeune homme par ses gestes et ses grognements.
Soudain, les boucliers avant rendirent l’âme dans une gerbe d’étincelles. Le Wookie se précipita sur les commandes pour faire servir l’énergie restante à leur protection. Si une fissure se développait sur la coque, les rayons X et les gaz incendiaires déchireraient la navette.
Kyp ne broncha pas.
– Nous arrivons au bout de nos peines, annonça-t-il sans ouvrir les yeux. Il y a un îlot gravitationnel neutre au milieu de l’amas, comme si c’était l’œil de la tempête.
Yan soupira de soulagement.
– Autant nous cacher ici, le temps de recharger les générateurs et d’effectuer quelques réparations de fortune.
Chewbacca acquiesça.
– Et de nous reposer, ajouta Durron.
Solo remarqua les gouttes de sueur qui perlaient sur son front. Malgré son calme extérieur, Kyp se concentrait pour garder le contrôle de ses nerfs.
– Reste à trouver le chemin de la sortie, Yan, continua-t-il.
Les gaz ionisés s’écartèrent devant eux comme un rideau, révélant l’oasis gravitationnelle repérée par Kyp au cœur de l’amas.
– Nous avons réussi ! murmura Yan.
Mais quelqu’un les avait devancés.
En orbite autour d’un astéroïde, au centre de la Gueule, tournaient quatre destroyers impériaux armés jusqu’aux dents.
A peine étaient-ils arrivés qu’une escadrille de chasseurs Tie se déversa des hangars du destroyer le plus proche.
Solo avait la gorge nouée. Ils venaient d’échapper à Skynxnex, à l’attaque de l’araignée dans les mines, à une bataille contre la flotte spatiale de Kessel et à la destruction par les forces gravitationnelles de la Gueule…
Les boucliers de la navette étaient en rideau, ils n’avaient pas d’armes… Et on lançait contre eux une véritable armada impériale !
– Au rythme où vont les choses, s’exclama-t-il, nous détruirons la Galaxie avant le souper ! Rallume les moteurs, Chewie ! Demi-tour. Kyp, il faut nous sortir de là !
– Il n’y a pas beaucoup de solutions.
Le navire vibra.
Le Wookie gémit.
Yan vérifia les écrans de contrôle :
– Nous avons perdu les boucliers. (Il fixa les quatre destroyers et la flotte de chasseurs qui approchait.) J’ai l’impression qu’il y a une énorme cible tracée sur la carlingue de cette fichue navette ! Ils peuvent nous détruire d’une simple rafale.
A cet instant, la radio crachota. Solo s’attendait à de nouvelles imprécations de Moruth Doole, mais les gaz ionisés et les distorsions causées par l’amas de trous noirs interdisaient toute possibilité de communication avec l’extérieur de la Gueule.
– Navette impériale, bienvenue ! dit une voix enjouée dans le haut-parleur. Nous n’avons plus reçu de message de l’extérieur depuis longtemps. Donnez votre code de sécurité, je vous prie. Notre escadrille de Tie vous escortera.
Yan se souvint soudain qu’ils avaient dérobé une navette impériale. Il leur restait quelques secondes avant d’être détruits. Comment trouver le code de sécurité ?
Il devait réfléchir vite.
Il activa le micro :
– Ici la navette… heu… Endor. Nous avons eu des difficultés à traverser la Gueule ; la plupart de nos systèmes informatiques sont en panne. Nous avons besoin d’assistance. (Il déglutit, puis ajouta :) Depuis combien de temps n’avez-vous plus eu de nouvelles de l’extérieur ?
Un cliquetis retentit à l’autre bout de la transmission. Les chasseurs fondaient sur eux. Solo grimaça ; il savait que son bluff ne fonctionnerait pas : leur navette était une cible idéale pour les soldats.
La voix se fit à nouveau entendre. Elle était plus tendue.
– Navette Impériale Endor, je répète… quel est votre code d’accès de sécurité ? Transmission immédiate !
Yan se tourna vers son copilote :
– Chewie, dans combien de temps aurons-nous les boucliers ?
Le Wookie avait arraché les panneaux d’accès aux compartiments d’alimentation en énergie. Reniflant, il constata que les plupart des circuits avaient grillé. Il leur faudrait longtemps avant d’être à nouveau opérationnels.
Yan ouvrit une nouvelle fois la fréquence :
– Heu… comme nous le disions, nous avons des avaries informatiques importantes. Nous ne pouvons pas…
– Excuse inacceptable ! Le code est verbal !
– Simple vérification, répondit Solo. Le code est le suivant…
Il fixa Kyp, espérant que le jeune homme pourrait le deviner. Même Luke Skywalker était incapable de ce tour de passe-passe.
Durron haussa les épaules.
– Heu… le dernier code dont nous disposons est RJ-2 slash ZZ slash 8000. Attendons votre confirmation. (Il coupa le micro, puis leva les yeux au ciel devant les mimiques de ses compagnons.) Ça valait le coup d’essayer !
– Réponse incorrecte ! fit la voix.
– Quelle surprise ! grommela le Corellien.
La transmission continua :
– Vous n’avez pas été envoyés par le Grand Moff Tarkin. Passagers de la navette Endor, vous devez vous constituer prisonniers immédiatement. Vous serez transférés à bord du destroyer Gorgone pour interrogatoire. Toute résistance provoquera votre destruction immédiate.
Yan se demanda s’il devait se fatiguer à répondre ; il décida de n’en rien faire. Il fut surpris d’entendre mentionner le nom du Grand Moff Tarkin, le gouverneur qui avait construit la première Etoile Noire. Tarkin avait été tué dix ans plus tôt. Ces gens étaient-ils isolés depuis si longtemps ?
La navette trembla comme si une main invisible s’en était emparée.
– Rayon tracteur, fit Solo.
La masse triangulaire imposante d’un destroyer grandit à vue d’œil.
Chewbacca gémit.
Yan ne pouvait qu’être d’accord avec lui. Il avait un mauvais pressentiment.
– Ne t’en fais pas, Chewie. Nous n’échapperons pas au rayon tracteur, donc inutile de me rappeler que nous ne survivrions pas à un autre passage dans la Gueule.
La dernière fois qu’ils avaient été aspirés par un rayon tracteur, ils avaient pu se réfugier dans les compartiments secrets du Faucon Millenium. Cette fois, ils ne disposaient même pas d’uniformes impériaux ; ils portaient les tenues thermiques des mines de Kessel.
– Nous n’allons pas faire bonne impression, soupira Kyp.
Les quatre destroyers étaient en orbite autour d’un ensemble d’astéroïdes, au centre de la Gueule. On distinguait d’autres constructions, encore à l’état de squelettes métalliques.
Qu’était tout cela ? Une base secrète ? Pourquoi l’Empire aurait-il mobilisé pareille puissance de feu pour protéger un bout de rocher ?
Le rayon tracteur entraîna la navette dans un hangar du Gorgone. Des impériaux firent irruption, prenant position d’une manière disciplinée qui dénotait un entraînement régulier. Ils brandissaient des blasters ancien modèle.
– Nous ferions mieux d’aller voir ce qu’ils veulent, dit Solo. Des idées ?
– Pas vraiment, répondit Kyp.
Le Corellien soupira, résigné :
– Sortons ensemble. Les mains en l’air et pas de gestes brusques.
Chewbacca grommela qu’il n’avait rien contre mourir au combat, puisqu’ils seraient exécutés de toute manière.
– Nous n’en savons rien, répondit Yan. Allons-y.
De loin le plus intimidant du trio, le Wookie prit place au centre du groupe. Ils sortirent, les mains en l’air. Les soldats braquèrent leurs armes sur eux. L’ancien pirate se demanda comment il avait pu avoir tant de malchance en si peu de temps.
Les grandes portes du hangar s’ouvrirent, livrant le passage à une femme de haute taille flanquée de deux gardes du corps.
Elle portait une combinaison vert-olive et des gants noirs. Ses longs cheveux roux cascadaient sur ses épaules. Solo fut sidéré de constater qu’elle portait des galons d’amiral, une chose rare dans l’Empire pour le sexe prétendument faible. Elle avança sans accorder le moindre regard à ses hommes.
Ses yeux se rivèrent sur les prisonniers.
– Je suis l’amirale Daala, superviseur de la flotte de surveillance du Complexe de la Gueule. Vous êtes dans de sales draps.